Asthme, allergies : le secret des Amish pour les éviter

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Les enfants en contact avec des animaux et des micro-organismes de l’environnement semblent moins souffrir d’allergies. C’est le cas des Amish.

II existe des familles plus touchées que d’autres par l’asthme et les allergies, ce qui montre l’existence de facteurs génétiques héréditaires. Mais l’augmentation des allergies au cours des dernières décennies dans les pays occidentaux suggère un rôle de l’environnement. Une hygiène excessive, le manque d’exposition aux micro-organismes de l’environnement, pourraient jouer un rôle. Une étude récente s’est intéressée aux enfants amish qui souffrent moins d’asthme que les autres. D’autres travaux montrent l’intérêt d’exposer les jeunes enfants aux micro-organismes de l’environnement dès leur plus jeune âge. La thèse de l’hygiéniste semble se renforcer.

Moins d’asthme chez les enfants amish

Dans une étude parue en 2016, les chercheurs ont comparé des enfants d’une communauté amish de l’Indiana et d’une communauté huttérite du Dakota du sud. Ces communautés possèdent des traditions proches : ils n’utilisent ni télévision, ni radio, ni Internet, forment de grandes familles, allaitent leur enfants longtemps, ont des régimes alimentaires proches, comptent peu d’obésité infantile et sont peu exposés au tabac ou à la pollution. Les Huttérites et les Amish ont aussi des ancêtres proches. Ils sont issus de fermiers européens qui ont migré aux Etats-Unis. Cependant, leurs pratiques agricoles diffèrent puisque les Amish ont conservé des pratiques traditionnelles, continuent à utiliser le cheval pour le travail des champs et le transport, tandis que les Huttérites utilisent des méthodes plus industrielles.

Malgré leurs points communs, le taux d’asthme est très différent dans les deux communautés : chez les enfants d’âge scolaire, la prévalence de l’asthme chez les Amish est de 5,2 % contre 21,3 % chez les Huttérites. Pour mieux comprendre ces différences, les chercheurs ont analysé les échantillons sanguins de 30 enfants âgés de 7 à 14 ans de la communauté amish et de 30 enfants d’âges similaires de la communauté huttérite. Ils ont aussi récupéré de la poussière dans 10 maisons, dans chaque communauté.

Les échantillons sanguins ont montré que les enfants amish avaient des niveaux bien plus élevés de cellules immunitaires qui jouent un rôle dans la réponse immunitaire innée. Les niveaux d’endotoxines (des molécules libérées par certaines bactéries dans l’environnement) dans les poussières étaient 6,8 fois plus élevés dans leurs maisons. Les chercheurs ont aussi exposé des souris à la poussière des maisons. Les souris exposées à la poussière de maison amish n’ont pas eu d’asthme lorsqu’ensuite elles ont été exposées à des molécules qui, normalement, favorisent l’asthme. La poussière des maisons huttérites n’avait en revanche pas cet effet protecteur contre l’asthme.

Ce qui pourrait expliquer la différence entre les poussières amish et huttérites, c’est que les familles amish vivent plus près des fermes laitières que dans les communautés huttérites et les enfants amish commencent à aller dans les étables très jeunes, ce qui les expose aux animaux et à des micro-organismes qui pourraient ensuite se retrouver dans la poussière des maisons. Dans les communautés huttérites, les enfants n’entrent pas si tôt en contact avec les animaux. Pour Carol Ober, professeur de génétique humaine à l’université de Chicago et co-auteur de l’étude, « ces résultats confortent l’hypothèse hygiéniste » selon laquelle l’hygiène plus importante des maisons actuelles a un impact sur le système immunitaire. « Je pense que si tout le monde avait une vache chez lui il n’y aurait pas d’asthme » explique Carol Ober, en ajoutant « mais ce n’est évidemment pas pratique« . La scientifique pense en revanche qu’il serait possible de créer un aérosol contenant les bons microbes pour bébé, à disperser dans l’air de leur chambre pendant leur première année.

Un enfant sur dix touché par une allergie alimentaire en ville

Des chercheurs de la Johns Hopkins University School of Medicine ont étudié les allergies et sensibilités alimentaires chez des enfants nés dans 4 villes américaines : Baltimore, Boston, New York et Saint Louis. 516 enfants provenant de la cohorte Urban Environment and Childhood Asthmaont été suivis de la naissance jusqu’à l’âge de 5 ans. 55,4 % des enfants avaient une sensibilité à un aliment. 46,7 % étaient sensibles au lait, 31 % à l’œuf, et 20,9 % à l’arachide. 9,9 % avaient une allergie alimentaire : 6 % étaient allergiques à l’arachide, 4,3 % à l’œuf et 2,7 % au lait. 2,5 % avaient plus d’une allergie.

Les allergies alimentaires étaient liées à une faible exposition aux endotoxines dans la première année de vie. Ceci semble confirmer qu’une exposition précoce à certains micro-organismes protégerait les enfants des allergies et de l’asthme.

La proximité des animaux limite les allergies

Dans un article paru dans Journal of Allergy and Clinical Immunlogy, des chercheurs ont étudié les effets d’une exposition précoce aux allergènes et aux bactéries sur les sifflements respiratoires et les allergies d’enfants vivant en ville. 467 enfants de l’étude URECA (Urban Environment and Childhood Asthma) y ont participé. Des visites dans les habitations ont permis de relever les allergènes présents. Les chercheurs ont aussi récolté et analysé le contenu bactérien de la poussière récupérée dans les habitations de 104 enfants.

Résultats : l’exposition dans la première année de vie à des allergènes de cafards, souris, chats était associée de manière négative avec les sifflements respiratoires récurrents. Ceux-ci diminuaient respectivement de 40 %, 35 % et 25 %. De plus, ces effets s’accumulaient : les enfants qui avaient grandi dans des habitations avec des poils de chat et de souris et des crottes de cafard au cours de leur première année avaient le moins de sifflements respiratoires à 3 ans. De plus, les enfants qui vivaient dans des logements avec une plus grande diversité bactérienne étaient moins susceptibles de développer des allergies et des sifflements respiratoires à 3 ans. Cependant, dans cette étude, la fréquentation d’un chien n’avait pas d’effet protecteur. Pour les chercheurs, ce serait dû au fait que les chiens interagissent peu avec les nouveau-nés et qu’ils rapportent peu de terre de l’extérieur lorsqu’ils vivent en ville.

Les effets protecteurs des allergènes et des bactéries ne se voyaient pas si l’exposition avait lieu après l‘âge d’un an. De nombreuses réponses du système immunitaire se construiraient dans la première année de vie ; les bactéries et allergènes joueraient un rôle important pour stimuler et former le système immunitaire de l’enfant.

En conclusion, en ville, les enfants les plus exposés à certains allergènes d’animaux et aux bactéries dans leur logement, pendant leur première année, auraient moins de risque d’asthme et d’allergie. De même, l’exposition à des micro-organismes dans des fermes au cours des premières années de la vie protégerait de maladies allergiques.

Source lanutrition (cliquez sur le lien)